dimanche 15 septembre 2013

Charly 9

Cher Jean,

J'ai l'impression de te connaître depuis toujours.

Je recommence. En réalité, je te connais depuis toujours. Je ne sais pas pourquoi, j'ai cette impression diffuse que tu as foutu ta grande carcasse dans RécréA2 à un moment ou à un autre. Il y a eu bien sûr l'Echo, et Nulle part Ailleurs. Ta voix, je la connais. Ton style, je le connais. Ta gueule aussi je la connais, et c'est pas que parce que ton pote Edika te met en scène une eux fois dans Fluide. Y a autre chose. Je trouverai, nom de Zeus, je trouverai.

Tes mots en revanche, je les ai découverts tard, il y a une dizaine d'année, avec Rainbow pour Rimbaud, une belle histoire d'amour décalée qui part de Charleville-Mézières pour faire le tour du monde... Ton Je, François Villon était clair, simple, brillant et horrifiant. Je l'avais adoré, il m'avait dévoré.

Et puis cet été, puisque je me suis remis à lire, je me suis très naturellement plongé dans Charly 9, sans savoir dans quoi je m'aventurais.

Il est rassurant de se rendre compte que certaines bonnes choses ne changent pas. Ton style, fluide, rapide, agréable. Tes chapitres courts et nerveux. Tes dialogues, parfaitement huilés. L'humanité de tes personnages, surtout, leur ombre et leur lumière mélangées sans que jamais le flou ne s'installe. Et pourtant ça part sévère.

Premier chapitre, Catherine de Médicis sa mère, le duc d'Anjou son frère et l'ensemble de son conseil se liguent pour le convaincre, le jour de la Saint-Barthélémy et à quelques jours du mariage de sa sœur Marguerite et d'Henri de Navarre, de décréter le massacre général des protestants réformés de France. Premier chapitre. Violence absolue de l'homme seul, que l'on presse de toutes parts à prendre une décision à laquelle il se refuse, qui le heurte profondément. Saoulé de pressions, de mensonges, de quolibets, il craque. Se soumet. Il ne s'en remettra jamais. Un chapitre sérieux, dur, qui montre que la charge de roi n'était probablement pas pour lui. Tous les autres chapitres sont les tableaux de sa lente descente dans la folie, puis dans la mort.

Tous ses efforts pour se réconcilier avec son peuple vont être d'incroyables et piteux échecs.

Le déplacement de la date de début d'année, du printemps au 1er janvier, qui occasionne des milliers de morts chez les Français qui pour la fête, se parent de leurs habits printaniers un jour de neige et de froid dans tout le pays.

Le choix de faire distribuer des brins de muguet porte bonheur aux familles du royaume, le 1er mai. Dans un pays ravagé par la famine, des milliers d'enfants, d'hommes et de femmes meurent d'avoir mangé ce poison violent.

Et que dire de ses tentatives de renflouer le royaume en payant un alchimiste véreux, ou en fabriquant de la monnaie en bois...

Bref, j'ai été happé par ton roman qui raconte, à ta manière, dans un langage hybride qui touche juste, une histoire de France décalée, où l'anecdote sert de toile où tu traces le portrait d'un gamin qui se révèle incapable d'enrayer la spirale mortifère dans laquelle il est entré.

C'est un beau livre, tendre, drôle et triste. Ca ne m'a beaucoup étonné en vérité, je te le dis. Mais j'ai beaucoup aimé. Merci Teulé.

Amicalement, Hrundy V.

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