dimanche 15 février 2015

Mens sana in corpore pareil

Cher Daniel,
Tu m'es aujourd'hui ce que me fut naguère la grande Agatha. Une bouée littéraire. Me voilà triste, dépassionné, vide ? Hop je me jette dans un Malaussène et le bonheur  de lire me possède, m'engloutit, et me voilà reparti pour des lustres. C'était Poirot qui, adolescent, me servait de purge intellectuelle. Me sentais-je fiévreux que la lecture d'un roman de la vieille anglaise me permettait de renouer avec le genre humain, avec la curiosité et le plaisir de se retrouver en tête à tête avec soi-même, au travers d'un morceau de bois compressé (tout fin).

Bref, après jérémiades, atermoiements et autres reculades, je me suis lancé dans ton Journal d'un corps. Je n'en suis plus sorti. L'idée est amusante, celle d'un enfant qui, maladroit, mal dans sa peau, étranger à son propre corps, décide un beau jour (c'est en fait un laid jour, mais il me semble que l'expression n'est pas consacrée) de prendre en main son corps et de s'en servir comme d'un sujet d'études.

Il va le muscler, le découvrir, en prendre plus ou moins soin, mais surtout noter les sensations, les désagréments, les plaisirs, les maladies et les afflictions qui vont, tout au long de sa vie, rythmer son quotidien. Ce ne sera pas un journal intime, non. On ne connaîtra que peu de sa vie sociale et intellectuelle, de ses combats politiques et à peine l'essentiel de ses amours. Lui résistant, on ne verra pas passer la guerre. La reconstruction du pays, sa vie d'amour, mai 68, la gauche au pouvoir, tout ça ne seront même pas des ombres présentées à notre imaginaire. Non. En revanche, l'évolution de son corps, ses souffrances, ses exultations, ses jouissances, ses péripéties en somme, voilà ce que le narrateur nous offre.

On rit beaucoup aux passages de pipi caca branlette, on est émus de la souffrance, de la mort, de la maladie. On est ému aussi de ses propres émotions, parce que la peur, le stress, la tristesse, l'agressivité, le rire, nom de Zeus ! ont aussi leur place dans ce récit.

Bien entendu, cher Daniel, on retrouve tes tics et marottes. On retrouve surtout ton phrasé, court, nerveux qui permet de sentir parfaitement ce qui se passe dans la scène que l'on lit, tant et si bien qu'on a l'impression d'y assister. On retrouve tes références littéraires, à des auteurs, à des œuvres. Bon, pas de Melville ici, mais on s'en sort tout de même avec une belle liste de lecture... J'aime la connivence entre nous quand je te lis. J'aime aussi sentir que tu as envie d'enseigner, et que j'aime apprendre. Grâce à toi, je me sens toujours plus intelligent d'avoir de nouvelles choses à apprendre. Ca c'est bien. C'est la vie, la beauté. Les petites cellules grises qui s'affolent et qui nous grisent !

Du coup, après tant et tant de nos échanges, je suis toujours étonné de ce que mon stratagème fonctionne. Depuis toi, en deux semaines, deux autres livres.
Merci, Daniel.

Amicalement,
Hrundy V.

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