lundi 2 septembre 2013

La Petite marchande de prose (relecture)

Cher Daniel,

Quelque chose me turlupine. Voilà donc la deuxième fois que je lis ta Petite marchande de prose, et probablement pas la seconde. La première fois, je n'étais pas loin de penser que ta série de Malaussène commençait à s'essouffler, prélude à un bien moins bon Monsieur Malaussène qui était carrément un peu long.

Mais ce qui me questionne, vois-tu, c'est comment j'ai pu oublier, ou passer à côté de tous ces merveilleux à-côté de ton récit. Comme toi - te l'ai-je dit ? - j'aime les parenthèses, les pauses, les digressions dans le récit. Celui qui se laisse prendre à la pause ou à la digression en cours de lecture peut se sentir vraiment partie intégrante de l’œuvre. A la fois lecteur et acteur, grâce à la parenthèse ton interlocuteur peut se lover, se sentir aimé du texte.

L'histoire de la rencontre de Loussa de Casamance avec la reine Zabo est une merveilleuse parenthèse, aventurière, riche, intelligente. L'histoire d'amour, passionnelle et platonique entre ces deux que tout opposait est tendre et pétillante.

Les personnages, la présentation toujours aérienne, poétique que tu en fais, sont jouissifs. Je suis, je pense que ton succès y est dû en partie, je suis, probablement comme tous ceux qui te lisent et qui t'aiment (et qui ne sont, chaque fois, ni tout à la fait les mêmes ni tout à fait des autres...), je suis un enfant quand je te lis. Émerveillé des beautés du langage, des mots, de leurs sons, leurs images, leur rythmique. Par l'inventivité enchantée dont tu fais preuve. C'est donc toujours un bonheur de te lire.

En revanche, l'intrigue est moins riche, moins tarabiscotée, moins efficace que lors des deux premiers opus. Rapidement on a tous les éléments pour trouver les méchants, et c'est la raison pour laquelle j'avais été frustré à la première lecture. J'avais adoré, dans le Bonheur des Ogres comme dans la Fée Carabine, être baladé au gré de l'enquête, perdu dans les supputations, étonné par les rebondissements...

Foin de tout cela dans la Petite Marchande. Cousu de fil blanc. Disons gris pour être sympa, et respectueux de ta majestueuse pétillance. Mais vois-tu, maintenant que j'ai repense, ce qui avait agacé le primo-lecteur, impatient et avide de suspense que j'étais il y a une grosse dizaine d'années, ce qui m'avait agacé disais-je ne m'a pas posé de problème à la relecture. J'avais déjà lu le dénouement, et je ne pouvais pas être frustré par la facilité à le découvrir.

Non, j'ai pu déguster en gourmet prenant son temps les tours et les détours de la langue dont tu sers, cette langue riche mais accessible, imagée mais compréhensible, enchantée mais accrochée à la vie réelle. Du coup, je vais peut-être même relire le Dictateur et le Hamac, maintenant que je suis un lecteur sage et posé.

Je te remercie pour toutes ces étoiles que tu allumes dans mes yeux,
Amicalement,
Hrundy V.

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